Parlons finance !
par :
Alexandra Bidet, Damien de Blic, Marie Brière, Olivier
Godechot, Emiliano Grossman, Jean-Pierre Hassoun, Thibaut Kleiner,
Vincent-Antonin Lépinay, David Martin, Sabine Montagne, Fabian Muniesa, Carlos
Ramirez, Fabrice Rousseau, Yamina Tadjeddine.
SSFA - AESF
Social Studies of Finance Association - Association
d’études sociales de la finance
novembre 2000
(un texte collectif préparé originellement pour le dossier
“ marchés financiers ” de la revue Politix, n°52, 2000)
“ Parlons finance ! ”. Oui, mais de quoi
parle-t-on ? La polysémie trompeuse du terme “ finance ”
inciterait plutôt les scientifiques à engager des discussions sur des objets
plus circonscrits et mieux définis. De ce continent dont nous ne connaissons
pas encore les bords, esquissons une définition provisoire du noyau à l’aune
duquel des cas limites inclus/exclus pourront être rattachés. Considérons la
finance comme l’activité professionnelle/régulière de gestion de titres fiduciaires
(au premier titre l’argent mais aussi actions, obligations, produits dérivés)
et d’échange de ces titres les uns contre les autres[1].
Parce que ce type d’activité semblait en apparence simple,
univoque, entièrement économique, dénué de toute aspérité
“ sociale ”, et en outre déjà éclairé par une discipline, les
sciences économiques, qui en détenait le monopole d’étude, la possibilité d’une
sociologie des activités financières a longtemps été inconcevable. De récentes
contributions, tant en sociologie économique qu’en sociologie politique, en
sociologie des organisations ou en sociologie des sciences et des techniques,
ont cependant permis d’entrevoir une approche soutenable de la finance par la
sociologie[2]. Parallèlement, se sont
développés des courants souvent qualifiés d’hétérodoxes au sein des sciences
économiques, comme l’institutionnalisme, l’école de la régulation ou l’économie
des conventions[3], qui commencent à ouvrir autant
d’espaces de dialogue avec ces approches. Une étude pluridisciplinaire des
activités financières semblait dès lors pouvoir prendre corps, dans un espace
en construction, articulant entre elles diverses disciplines et
conceptualisations théoriques. Faute de mieux, nous avons retenu l’expression
anglaise “ Social Studies of Finance ” pour qualifier cet
espace d’entente[4]. Il
restait à l’explorer.
Depuis 1999, un réseau principalement composé de jeunes
chercheuses et chercheurs s’est constitué, prenant la forme d’un séminaire
parisien périodique au sein duquel sociologues, anthropologues, politologues et
économistes ont pu partager leurs expériences de “ terrains ”
financiers, et amorcer quelques réflexions collectives autour de la finance.
Les “ Journées d’études sociales de la finance[5] ” qui en résultèrent se
tinrent les 20 et 21 avril 2000 à l’École des Mines de Paris. Elles furent
suivies par la création d’une association, la Social Studies of Finance
Association – Association d’études sociales de la finance, dans le but de
poursuivre ce genre d’initiatives. Certains des travaux présentés lors de ces
journées sont réunis dans le n°25 de la revue Politix, autour du thème,
transversal en sciences sociales, de la rationalité et de la rationalisation
des marchés financiers.
La finance contemporaine est un espace social complexe, au
sein duquel sont fréquemment réunis des objets aussi divers que des marchés et
des produits, des entreprises, des banques ou des fonds de pension, mais
également des formalismes mathématiques, des systèmes informatiques, des formes
de normativité, des codes sociaux et des langages, le tout imbriqué dans
d’innombrables controverses tant techniques qu’idéologiques dépassant largement
le strict cadre financier. De par ses enjeux politiques et sociaux, le monde de
la finance rejoint celui des politiques économiques, de l’organisation du
travail, du droit ou encore celui de la construction européenne. Il n’est donc
nullement possible de réduire les études sociales de la finance à une
sociologie des marchés financiers, il importe bien au contraire d’y intégrer la
pluralité des thèmes attachés à cet objet d’étude. La principale difficulté
d’une telle tâche réside dans l’étendue du domaine retenu, dans la diffusion
croissante des “ logiques financières ” dans les activités
économiques, en somme dans la “ financiarisation ” de la société. Il
importe donc de tenter d’en esquisser les contours.
1 - La finance, objet de sciences sociales.
La jeunesse de notre réseau trouve un intéressant
parallèle dans la nouveauté de la sphère financière en tant qu’espace social
identifié. L’une des transformations majeures des économies européennes, et en
particulier de l’économie française depuis le début des années 80, est due au
bouleversement des circuits financiers consécutifs à l’apparition de marchés
financiers autonomes et puissants. N’oublions pas qu’en 1980, les crédits
représentaient 2/3 des financements de l’économie française, et la capitalisation boursière seulement 30% du
PNB, contre plus de 150% aujourd’hui. Economie d’endettement dominée par
l’intermédiation bancaire, la France était aussi le pays du contrôle étatique,
à travers des banques nationalisées (87% des dépôts en 1984), du cloisonnement
des circuits de financement, et du strict contrôle du crédit et du change.
Faut-il rappeler que les agents de change, détenteurs du monopole des
transactions boursières, étaient eux-mêmes des agents ministériels ? Les
vingt dernières années ont donné lieu à une autonomisation de la finance,
autonomisation face à l’Etat, fruit de la déréglementation et des
privatisations[6] mais aussi autonomisation par
rapport au modèle de capitalisme à la française. Elle se manifeste à travers
l’introduction de nouvelles pratiques sociales, l’apparition de nouveaux
acteurs et de nouvelles institutions ou encore par la promotion de nouvelles
normes et règles du jeu[7]. A mesure que la France évolue
vers une économie de marché financier[8], la finance s’est constituée en
nouvel objet des sciences sociales.
Entrer en finance, c’est effectivement entrer dans un
univers de théories sur la finance, théories tant “ académiques ”
qu’“ indigènes ”. Les sciences économiques, première discipline à
tenir un discours unifié sur le monde de la finance, débattent, de plus en en
plus souvent à partir de modélisations rationnelles du comportement des
acteurs, de l’efficacité des différents circuits financiers, voire de leur
moralité. Elles ont été rejointes par la “ finance ” comme discipline
académique nouvelle, et de plus en plus autonome par rapport aux sciences
économiques mères : un science typiquement “ appliquée ”, orientée, par
exemple, vers la détermination de la rentabilité des portefeuilles (modèles de
gestion d’actifs). Or ces savoirs entrent dans le monde des praticiens de la
finance : ils constituent des outils de travail tout autant que des
représentations, tantôt “ savantes ”, tantôt pratiques, des environnements
financiers. Qu’elles prennent pour objet les activités financières elles-mêmes
ou les théories du monde de la finance, il ne convient donc pas aux SSF
de maintenir les débats académiques sur la pertinence ou l’erreur de telle ou
telle approche, telle ou telle dimension des sciences économiques : il
s’agit, plutôt, de combiner des points de vue, d’arriver à avoir un regard “
pragmatique ” à propos des théories à l’œuvre dans le monde financier. Il nous
semble, par exemple, que les partages que les sciences économiques peuvent
opérer sur la réalité financière, partages dont la logique ne réponds souvent
qu’à un niveau de généralité (séparer le “ micro ” du “ macro ”), constitue
paradoxalement une aide fort précieuse au repérage du monde financier.
La finance n’est, en effet, pas plus réductible à la
“ bourse ” qu’à un “ capitalisme ” plus ou moins
mondialisé, elle s’étend à une multitude d’acteurs, politiques, économiques, en
somme, sociaux. Et elle se déploie à tous les niveaux : de la décision
individuelle du trader professionnel comme du petit actionnaire aux
politiques des banques centrales, en passant par les variations quotidiennes
des cours des titres, les stratégies des banques et des fonds de pensions,
jusqu’aux politiques gouvernementales, aux institutions financières
internationales[9] ou même aux choix
organisationnels de grandes entreprises . Mais cet ensemble d’acteurs
financiers se doit d’inclure les économistes eux-mêmes : influence de
leurs travaux, circulation de leur savoir, intervention de leurs outils. Il ne
s’agit donc pas de poser les études sociales de la finance comme des
concurrentes aux sciences économiques, ou de renforcer les critiques
d’irréalisme qui leur sont souvent adressées, mais de tenir les théories
financières pour des objets d’étude à part entière, indissociables de leur
domaine tant elles ont contribué à le “ former ”. En ce sens, les Social
Studies of Finance sont aussi des Social Studies of Science.
Les SSF ne sauraient cependant se limiter à une
telle “ introspection ” des sciences sociales, qui n’est pertinente
qu’en ce qu’elle peut soutenir l’analyse et l’aide à la compréhension des
pratiques financières. Entrer en finance, c’est, surtout, entrer dans l’univers
de l’argent, dans des communautés, pour certaines anciennes mais le plus
souvent précaires et volatiles, où la focalisation sur le gain est
particulièrement visible et les rétributions potentiellement très élevées. Dans
ce monde d’affrontements hétérogènes et d’intérêts croisés, si le calcul des
gains semble régner en maître, on ne peut le réduire à des schémas uniformes
qui préjugent de sa “ rationalité ”. En finance, comme en tout autre
domaine, les “ esprits ” agissants se prolongent dans d’innombrables
équipements matériels et intellectuels : des outils de calcul, des normes
comptables, des savoirs techniques, des formalismes mathématiques, ainsi que
des sources d’information souvent fort diverses. Les propriétés des
“ agents économiques ” sont autant de produits de constructions
sociales diverses, scientifiques, scolaires, politiques au vaste sens du terme,
tout autant que techniques. Ce sont ces prolongements croisés des “ esprits ”
et des institutions que les sciences sociales de la finance se sont aussi
données pour tâche d’étudier.
2 - Constituer les études sociales de la finance.
Les paradigmes à l’œuvre au sein des SSF sont aussi
variés que le sont les sciences sociales contemporaines. Cette ouverture
résulte tout autant d’un choix délibéré de ne pas exclure d’approches
spécifiques sous prétexte de concurrence disciplinaire, que de la nécessité de
collaborer en vue d’un objectif commun : “ dévisser ” les
catégories du monde financier, si pratiques soient-elles à qui s’y adosse ou à
qui fait profession de les prendre pour cible. En d’autres mots : l’enjeu
étant d’étudier les formes concrètes et pragmatiques des activités financières, les figures canoniques de la
“ rationalité ”, des marchés financiers sensément
“ parfaits ”, ou parfaitement “ libéraux ”, du
“ capitalisme financier ” le plus éthéré, ne peuvent être maintenues
intactes. Affranchies des clivages disciplinaires les plus institués, les
études sociales de la finance ne sont en effet nullement tenues de respecter
les focalisations académiques[10], et se doivent à l’inverse de
décrypter les intrications des pratiques à tous les niveaux, des salles de
marché aux conseils d’administration des institutions financières, mais aussi
des salles d’enseignement aux ateliers de production.
De ce fait, les SSF ont en commun des
méthodes d’enquête, principalement fondées sur l’entretien et l’observation,
mais maniant aussi fréquemment le travail d’archive et l’analyse de données.
Sans s’adonner au culte de l’empirisme aveugle, il s’agit de porter attention
aux petites choses qui donnent à l’économie, donc à la finance, une consistance
et un réalisme qui échappent aux discours distants. Nous constatons, sur ce
point, que le statut de jeune chercheur peut fournir l’occasion de côtoyer des
professionnels de la finance, d’éprouver des manières “ d’être dans le
terrain ” souvent improbables pour un économiste installé dans le milieu
académique (c’est le cas de ceux ou celles d’entre nous qui ont travaillé en
salle de marché par exemple à l’occasion d’un stage). Ces principes
méthodologiques communs permettent aux études sociales de la finance de
s’intéresser à une large variété de situations et d’acteurs.
3 - Diversité des enquêtes.
Les “ Journées d’études de la finance ” furent
l’occasion de constater la diversité des pistes de recherches parcourues. Les
contributions regroupées dans le dossier de la revue Politix rejoignent,
quant à elles, le thème général de la rationalité des marchés financiers. On
remarquera ainsi la complémentarité entre le travail d’Olivier Godechot sur les
formes concrètes de raisonnement dans une salle de marché et celui de Yamina
Tadjeddine sur les décisions spéculative. Ces enquêtes sur les professionnels
de la négociation dans les marchés financiers trouvent leur contrepoint dans le
travail de Fabrice Rousseau et Vincent-Antonin Lépinay sur les négociateurs
“ profanes ”. Le travail de Jean-Pierre Hassoun fourni aussi des
éléments de compréhension des formes concrètes de négociation. Il peut être lu
également en contrepoint de celui de Fabian Muniesa, qui présente un cas où
l’automatisation de la négociation semble imposer une rationalité largement
inspirée des sciences économiques.
Les SSF telles qu’elles prennent corps ne se
contentent cependant pas de se focaliser sur la seule question de la
rationalité. Nombre de travaux présentés aux Journées interrogeaient des thèmes
de recherche débordant largement tant les marchés financiers que la question de
la rationalité : les dynamiques politiques, organisationnelles,
professionnelles tout comme les changements sociaux sont autant de thèmes au
sein desquels la finance est présente.
Un des enjeux de la première session des “ Journées
d’études ” était celui de comparer des enquêtes menées par des économistes
à celles menées par des sociologues et anthropologues. Dans sa contribution,
Yamina Tadjeddine[11] proposait en effet un modèle
économique où certaines formes de décision, souvent qualifiées d’irrationnelles
par une approche standard, sont analysées en termes de représentations
cognitives du fonctionnement du marché. Marie Brière[12] utilisait des outils
économétriques pour explorer les biais des experts de marché dans leurs
prévisions, et les relier aux nouvelles économiques qui font bouger les
cours : les outils économétriques contribuent ici à la compréhension de la
logique sociale de l’information dans les marchés financiers. Dans le travail
présenté par Olivier Godechot[13], les formes de raisonnement (et
particulièrement le “ chartisme ” et le
“ fondamentalisme ”, qu’on retrouve dans le travail de Yamina
Tadjeddine) sont rattachées à des propriétés sociales et, en particulier, à des
formes de capital scolaire. Fabrice Rousseau et Vincent-Antonin Lépinay[14] proposaient, quant à eux, une analyse
de l’attitude des “ day-traders ” (petits porteurs qui
négocient à travers des services de courtage en ligne) : ces
“ monstres ” économiques (“ irrationnels ” pour une
approche standard) s’engagent dans l’économie par des formes hétérodoxes où
l’émotion semble jouer un rôle prépondérant.
Le travail de Sabine Montagne[15] ouvrit la deuxième session des
journées, consacrée aux logiques institutionnelles de l’organisation des
marchés financiers, en montrant les liens entre la réforme des fonds de pension
aux Etats-Unis et l’évolution des marchés financiers : émergence d’une
conception individualisée de la retraite et, partant, de formes individualisées
d’intégration sociale et de citoyenneté. Emiliano Grossman[16] présentait une analyse de la
structure de représentation des intérêts bancaires en France et en
Allemagne : la cohérence de la “ solidarité de place ”, que
l’Union Monétaire devrait abolir, semble persister sous plusieurs formes, ce
qui met en évidence que la finance n’est pas toujours aussi “ internationalisée ”
qu’on le croit. Damien de Blic[17] présentait son travail sur
l’affaire du Crédit Lyonnais : il y analyse les conditions de viabilité de
la dénonciation et l’échec de l’émergence d’un scandale.
La troisième session fut caractérisée par un retour au
“ noyau dur ” des marchés financiers. Jean-Pierre Hassoun[18] présenta un aspect de son travail
ethnographique sur la criée du Matif (le marché français des produits
dérivés): il s’agit d’une exploration de certaines pratiques de négociation
éloignées de l’orthodoxie mais qui jouent, cependant, un rôle majeur dans la
culture du marché et donc, en dernière analyse, dans l’ efficacité que lui
assigne cette même orthodoxie. La contribution de Fabian Muniesa[19] montrait, quant à elle, les
enjeux de l’automatisation de la cotation (et donc de la disparition de la
criée) à propos de cette “ orthodoxie économique ” : un
dispositif concret du système de cotation de la Bourse de Paris lui sert à
décrire la manière dont ce marché arrive à rejoindre certaines des utopies de
la théorie néo-classique. David Martin[20] analysait, dans sa contribution,
la construction de la confiance dans un marché de gré à gré : il montre
les éléments sociaux et techniques qui rendent les transactions possibles dans
un contexte où l’interaction est médiatisée et souvent incomplète. Vincent
Lépinay[21] contribua à cette analyse des
éléments qui font “ tenir le marché ” avec une étude des formalismes
mathématiques utilisés dans une salle de marché de produits dérivés : il
montre les formes d’“ intuition ” nécessaires pour comprendre et
mettre au points ces innovations financières.
L’attention fut encore déplacée vers une notion plus ample
de “ finance ” lors de la quatrième et dernière session des journées
d’études. Alexandra Bidet[22] signalait, à partir d’un cas
d’automatisation dans une grande entreprise de télécommunications, comment une
normativité financière tend à pénétrer l’organisation de l’activité
téléphonique : l’exigence de transparence du réseau et de fluidité du
trafic de télécommunications relève ainsi d’une conception financière de la
valeur. Carlos Ramirez[23] montrait, d’une manière
différente, comment la “ logique financière ” qui sous-tend la
récente régulation de la profession comptable au Royaume-Uni modifie la
structure du champ professionnel. Il analyse en détail le cas des petits
comptables et de leurs modes de représentation. Thibaut Kleiner[24] fournit une analyse de
l’évolution de l’industrie de gestion d’actif en France d’un point de vue
organisationnel. Il montre comment cette évolution ne peut pas être expliquée
simplement en termes d’efficience : sa compréhension doit considérer la
circulation contingente d’acteurs institutionnels et d’outils de calcul.
Les travaux que nous avons rassemblés lors des
“ Journées d’études ” peuvent fournir des pistes de ce qui nous
semble être une façon de “ politiser ” le monde de la finance : le décrypter et le saisir, de par
le croisement des descriptions et des analyses, dans ce qu’il a de
“ social[25] ”. Nous espérons nos
recherches puissent donner une idée de la pertinence, mais aussi des
difficultés, de cette approche que nous voulons commune, en dépit de la
diversité des vocabulaires et des orientations disciplinaires. En attendant,
bien sûr, de nouvelles occasions de “ parler finance ” !
[1] Au sens de Marx, on pourrait dire que la finance
est constituée des flux A-A’ (avec “ A ” pour “ Argent ”).
Nous excluons ainsi, de la définition noyau, l’échange économique habituel de
titres fiduciaires contre biens ou services. Cette définition, certes
fonctionnelle et économique, permet de cerner un univers de produits, d’acteurs
et d’institutions : les titres, les banques, les marchés financiers…
[2] Nous ne proposerons pas ici une revue de la
littérature. Pour deux exemples récents de sociologie à Wall Street, cf.
Mitchel Y. Abolafia, 1996, Marking Markets : Opportunism and Restraint
on Wall Street, Cambridge (Massachusetts), Harvard University Press et
Charles W. Smith, 1999, Success and Survival on Wall Street :
Understanding the Mind of the Market, Lanham (Maryland), Rowman &
Littlefield. Pour un “ classique ” de la sociologie des marchés
financiers, cf. Patricia A. Adler et Peter Adler (eds.), 1984, The
Social Dynamics of Financial Markets, Greenwich (Connecticut), The JAI
Press.
[3] Cf., à titre d’exemple, André Orléan, 1999,
Le pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob.
[4] Le libellé
est un clin d’œil aux maintenant classiques “ Social Studies of Science ”.
Mais il s’agit aussi pour nous, avec l’expression “ études
sociales ”, de ne pas restreindre cette approche à la seule sociologie et
d’en souligner la multidisciplinarité.
[5] Nous tenons à remercier toutes les personnes qui
sont intervenues dans ces journées d’études. Nos remerciements s’adressent tout
particulièrement à Marie-France Garcia, Michel Callon, André Orléan et François
Vatin pour leur discussion des travaux présentés.
[6] On peut citer pêle-mêle la loi bancaire de 1984
qui entraîne dématérialisation des titres, fin du contrôle du crédit et de
l’épargne, la loi de désintermédiation de 1985, la fin du monopole des
agents de change de 1988, la fin du contrôle des changes et la liberté des
mouvements de capitaux de 1990 et enfin la création de la monnaie unique
européenne en 1999.
[7] On pense ici, par exemple, aux nouvelles théories
financières (théorie moderne du portefeuille, “ chartisme ”), aux
nouvelles règles et techniques comptables (benchmarking, valeur pour
l’actionnaire) ou de gouvernement d’entreprise et à l’arrivée des fonds de
pension, des agences de notation et des consultants.
[8] Cf. François Morin, 2000, “ A
transformation in the French model of shareholding and management ”, Economy
and Society, n°1, vol. 29.
[9] Il suffira, pour s’en convaincre, de se reporter
aux travaux de Michel Aglietta, particulièrement Macroéconomie financière,
Paris, Éditions La Découverte, 1995, et à l’ouvrage de Frédéric Lordon, Les
quadratures de la politique économique, Paris, Albin Michel, 1997.
[10] Nous ne pouvons considérer, sur ce point, que
l’approche sociologique soit un monopole de sociologues. Certains économistes,
pour le moins hétérodoxes, ont forgé des modèles explicatifs de l’émergence de
l’ordre social particulièrement proches de sociologies des plus contemporaines.
La “ Behavioral Finance ”, quant à elle, essaye d’expliquer
les comportements boursiers en amendant les modèles économiques pour y ajouter
des éléments cognitifs ou
psychologiques. De son côté, la microstructure des marchés financiers
s’intéresse, parfois d’une manière assez sociologique, aux propriétés concrètes
du cadre de négociation marchande. Emprunter les outils de sciences autres que
la discipline d’appartenance devient ainsi une ressource originale des Social
Studies of Finance.
[11] Cf. Yamina Taddjedine, 2000, “ Les
prises cognitives de la rationalité. Une typologie des décisions
spéculatives ”, Politix, vol. 13, n°52 (pp. 57-71).
[12] Cf. Marie Brière, 2000, “ Pessimisme
et extrémisme : une étude des prévisions économiques de consensus ”,
communication, JESF (Paris).
[13] Cf. Olivier Godechot, 2000, “ Le bazar
de la rationalité. Vers une sociologie des formes concrètes de raisonnement ”, Politix,
vol. 13, n°52 (pp. 17-56). Voir également Olivier Godechot, 2001, Les
traders. Essai de sociologie des marchés financiers, Paris, La Découverte.
[14] Cf. Vincent-Antonin Lépinay et Fabrice
Rousseau, 2000, “ Les trolls sont-ils incompétents ? Enquête
sur les financiers amateurs ”, Politix, vol. 13, n°52 (pp. 73-97), ainsi
que l’élaboration théorique présentée dans Vincent-Antonin Lépinay et Fabrice
Rousseau, 2000, “ Le déploiement des trolls : exploration économique
et engagement par les titres ”, communication, JESF (Paris).
[15] Cf. Sabine Montagne, 2000, “ Retraite
complémentaire et marchés financiers ”, L'Année de la Régulation,
vol. 4.
[16] Cf. Emiliano Grossman, “ Le déclin de
la solidarité de place : les banques françaises et allemandes face à
l’intégration européenne ”,
communication, JESF (Paris).
[17] Son travail a été inclus en varia dans le
même numéro de la revue Politix : cf. Damien de Blic, 2000,
“ ‘Le scandale financier du siècle, ça vous intéresse ?’ Difficiles mobilisations
autour du Crédit Lyonnais ”, Politix, vol. 13, n°52 (pp. 157-181).
[18] Cf. Jean-Pierre Hassoun, 2000, “ Trois
interactions hétérodoxes sur les marchés à la criée du MATIF. Rationalité
locale et rationalité globale ”, Politix, vol. 13, n°52 (pp. 99-119).
[19] Cf. Fabian Muniesa, 2000, “ Un robot
walrasien. Cotation électronique et justesse de la découverte des prix ”, Politix,
vol. 13, n°52 (pp. 121-154).
[20] Cf. David Martin, “ A qui se
fier ? Modalités de la confiance interpersonnelle dans les marché
financiers de gré à gré ”, communication, JESF (Paris).
[21] Cf. Vincent-Antonin Lépinay,
“ L’intuition mathématique en finance : des mathématiciens aux traders ”,
communication, JESF (Paris).
[22] Cf. Alexandra Bidet, “ Réseau complet
et fluidité du trafic : le déploiement d’un regard financier dans
l’activité téléphonique ” , communication, JESF (Paris).
[23] Cf. Carlos Ramirez, “ La profession et
ses petits. Réglementation de l'audit et représentation de la petite profession
comptable au Royaume-Uni ”, communication, JESF (Paris).
[24] Cf. Thibaut Kleiner “ D’un artisanat à
une industrie : transformation de l’industrie française de la gestion
d’actifs par l’intégration de routines professionnelles depuis le système
anglo-saxon ”, communication, JESF (Paris).
[25] Ici, le mot “ social ” n’exclut rien. Il
ne s’agit pas de “ social ” par opposition à “ économique ”
ou à “ technique ” : “ social ” plutôt comme
“ collectif ”, “ construit ”, “ différencié ”.